Énergie. « La France n’a pas encore choisi »

Le Télégramme 4 mars 2014 / Ronan Larvor

Yannick Jadot, député européen EELV, était hier à Quimper pour parler transition énergétique. Il tacle le poids des lobbys de l’énergie et les élus « paralysés par le passé ». « La France est dans le ventre mou de l’Europe », juge-t-il.

Où en est la transition énergétique en Europe ?
L’Europe a une responsabilité historique, un enjeu de leadership mondial. Or, elle reste frileuse, même si on a beaucoup avancé. Nous sommes à un point de basculement car la société évolue. 80 % des citoyens sont convaincus de l’avenir des énergies renouvelables. Mais au niveau national et européen, nos dirigeants ont du mal à suivre, surtout qu’un lobby de l’énergie puissant instrumentalise la question.


Il y a pourtant des pays qui avancent ?

Oui, l’Allemagne où 400.000 emplois ont été créés en douze ans dans les énergies renouvelables. Il y a aussi les pays du Nord. Nous, nous restons obsédés par la question du nucléaire et on nous divertit avec le gaz de schiste.

D’où vient le blocage ?
Les énergies renouvelables, la rénovation des bâtiments sont un secteur porté par les PME. Cela ne rentre pas dans l’imaginaire énergétique de nos dirigeants dominés par EDF, Total... Nous estimons qu’il y a un potentiel de 600.000 emplois en France dans ces domaines. Nous sommes à un point de bascule. La France n’a pas encore choisi.

Vous dites que la société a évolué, mais dans le cas de l’écotaxe, on la voit aussi se rebiffer.
Il y a une stratégie du bouc émissaire des opposants, alors que l’on voit dans ce cas la fin de vie d’un certain modèle breton. L’écologie à bon dos. C’est comme pour le diesel quand on nous a accusés de vouloir taxer les plus pauvres, sans prendre en compte les dégâts sur la santé.

Les projets gelés à cause de l’arrêt de l’écotaxe sont uniquement urbains. N’y a-t-il pas un clivage accentué rural-urbain ?
Il y a une rupture politique des zones rurales, périurbaines qui se sentent abandonnées. Le projet de loi sur la décentralisation renforce les logiques de métropoles au détriment des territoires, des villes moyennes. Quand nous travaillons sur les circuits courts, les PME, nous apportons des réponses. Mais le désespoir est tel que nous ne sommes pas audibles. Nous avons toujours défendu un modèle d’autonomie alors qu’il y a un repli vers un système de plus en plus jacobin.

Vous êtes optimiste ?
La société avance, a envie. Et on sait faire : zéro carbone en 2040, se réapproprier l’espace démocratique. La France est dans le ventre mou de l’Europe. Elle n’a pas choisi. On attend la loi de transition énergétique avant l’été et la conférence Climat Paris 2015. Le futur nous rattrape quand on voit s’accélérer le changement climatique. Le passé nous paralyse. Notre espace est avec la société.


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